Une seule fois, il m’est arrivé quelque chose de pareil à une preuve personnelle de la présence en esprit d’un animal que j’avais fort bien connu dans ma vie. Il s’agissait d’un petit terrier, grand favori de ma famille, qui, par la suite du départ de son maître, avait été donné à un de ses admirateurs, habitant à une centaine de milles de chez nous.
Un an après, comme j’entrais un matin dans la salle à manger, je vis, à mon grand étonnement, la petite Morna qui courait en sautillant autour de la chambre et paraissait être en proie à une frénésie de joie; elle tournait, tournait tantôt en se fourrant sous la table, tantôt en faufilant sous les chaises, ainsi qu’elle était habituée à faire dans ses moments d’excitation et de joie, après une absence plus ou moins longue de la maison. J’en conclus naturellement que le nouveau maître de Morna l’avait conduite chez nous, ou que, tout au moins, la petite chienne était parvenue à retrouvée toute seule le chemin de son ancienne demeure. J’allai aussitôt questionner à ce sujet les autres membres de la famille, mais personne n’en savait rien; d’ailleurs, on eut beau la chercher partout et l’appeler par son nom, Morna ne se fit plus voir. On me dit donc que je devais avoir rêvé, ou, pour le moins, je devais avoir été victime d’une hallucination; après quoi, l’incident fut vite oublié.
Plusieurs mois, un an peut-être se passa, avant qu’il nous arrivât de rencontrer le nouveau propriétaire de Morna. Nous lui en demandâmes aussitôt des nouvelles. Il nous dit que Morna était morte à la suite de blessures qu’elle avait reçues au cours d’une lutte avec un gros chien. Or, à ce que j’ai pu constater, le combat s’était passé à la même date, ou bien peu de temps avant le jour où je l’avais vu (en esprit) courir, sautiller, tourner autour de la salle de son ancienne demeure.
Auteure : Mme E. d’Espérance
Article publié par Light, le 22 octobre 1904, p. 511